Je me trouvais grosse
Cette phrase-là, on l'entend à toutes les sauces. On dirait que c'est un fléau de notre société de ne pas être satisfait de son apparence. Par contre, dans certains cas, cela devient un réel trouble mental.
À 7 ans, je me trouvais grosse.
Ça, les autres autour de moi l’ont vu et me l’ont rappelé longtemps à force de commentaires sur mon physique alors que j’étais au primaire. Au secondaire, à 15 ans, l’âge où ton physique est le plus important, je me trouvais grosse. Je passais des heures devant le miroir à me regarder, à me maquiller, à me coiffer, à essayer de me trouver belle. Je me sentais comme si j’étais difforme par rapport aux autres, j’étais tellement au courant de chaque cellule de mon corps que j’en avais mal.
Mais surtout, je me trouvais grosse. Donc j’ai pris les choses en main et j’ai décidé de diminuer ma quantité de nourriture. Petit à petit, pour pas que personne s’en rende compte. Je savais que c’était mal, mais j’avais le contrôle là-dessus. J’ai commencé à me créer pleins de petites règles à suivre, à me restreindre. Je me suis mise à manger une grande quantité de fibres pour faire évacuer la nourriture plus rapidement. Ensuite, je m’obligeais à me lever vers midi pour pouvoir sauter un repas. Je ne mangeais en aucun cas en dehors des repas et je ne prenais plus de dessert. Je ne me permettais même pas un café.
Sauf que c’était toujours pas assez pour moi alors je me suis mise à la course. J’avais un horaire strict et je ne pouvais pas manquer une course. Je devais toujours mieux performer à chaque fois aussi. Tout ça sans me nourrir davantage. J’ai perdu mes règles pendant 5 mois.
Le plus drôle dans tout ça c’est la réaction de mes proches. Je ne voulais pas qu’on s’en rende compte autour de moi et ça fonctionnait. On me félicitait sur ma perte de poids et sur ma mise en forme. On me disait que ça m’allait bien et que j’étais belle. Pourtant au fond de moi, je n’allais pas vraiment mieux, je ne me sentais pas moins grosse ou difforme et je n’avais pas plus confiance en moi.
Avoir un trouble alimentaire, ce n’est pas toujours visible. Oui, à mon poids le plus bas, j’étais mince, mais sans plus. Je n’avais pas l’air d’être au bord de la mort et longtemps, j’ai cru qu’il fallait que j’aie l’air de ça pour que j’ai un réel problème. J’avais l’impression d’avoir échoué à aller mal. Sauf qu’il reste que j’ai brisé mon corps d’une certaine façon. Je n’ai retrouvé mon appétit normal que bien des années plus tard. J’ai toujours froid. Je ne digère pas toujours bien ce que j’ingère. Mais le pire, c’est la petite voix qui reste dans ta tête. La petite voix qui te dit que tout serait si simple si tu arrêtais de manger. Celle qui te dit que tu as pris du poids, bien que ça soit faux. Et même si c’était vrai, dans mon cas, c’était une bonne chose.
Quelques années plus tard, je vais mieux. C’est le terme que j’ai trouvé pour exprimer où j’en suis. Un trouble alimentaire, ce n’est pas quelque chose qui se guérit à mon avis. C’est quelque chose qu’on apprend à vivre avec. C’est un combat de tous les jours qu’on vit en silence. Je vais mieux et je me rend finalement compte de l’ampleur de mes comportements que je jugeais anodins et normaux, mais qui s’avèrent finalement alarmants.
L’important, c’est de cesser de se cacher et d’en parler. Ce n’est pas quelque chose qui doit se vivre seul. Plusieurs ressources sont là pour aider. Il n’y a pas de honte à aller chercher l’aide qu’on a besoin.
Ressources disponibles:
- ANEB Québec
- CLSC
- Centre de crise
- Tel-Aide
- Hôpitaux