Comment mieux vivre un deuil?
Avoir expérimenté la perte d’une personne chère récemment m’a donné envie d’ouvrir une porte sur le sujet, pour en parler, approfondir le processus mais aussi continuer à faire vivre ma « disparue » pendant quelques lignes. Lui laisser une empreinte indélébile dans mon cœur. Insuffler la vie dans l’espace qu’elle a laissé vide.
*Crédit photo Elsa Konig
L’intensité de l’émotion
Je ne sais pas pour vous, comment se manifeste la mort d’un proche dans votre corps, dans votre vie. Pour moi, c’est comme un fossé qui se creuse subitement dans mes entrailles, dans mon corps, dans mon être. Je me sens divisée, écartelée, littéralement déchirée par la peine. C’est douloureux, ça fait mal à en crever, ça pleure, ça brûle, ça crie, ça se jette à terre, parfois tout en même temps, d’une seconde à l’autre. Je me transforme en boule d’émotions incandescente, totalement imprévisible, qui peut exploser à tout moment. Or, ce qu’on apprend souvent en société, dans notre éducation, dans nos expériences de vie, c’est de ne pas montrer nos émotions, de garder l’intensité par peur de passer pour fou si elle sort, de cacher sa vulnérabilité pour ne pas être fragile aux yeux des autres, car nous pensons que cela pourrait être perçu comme une faiblesse. Pouvez-vous me dire comment c’est possible alors pour une boule d’émotions incandescente de passer inaperçue, d’être gentiment camouflée en dessous du tapis pour passer à autre chose le plus vite possible et ne pas souffrir seul ou en public? En fait, ce n’est pas possible, du moins pas sans laisser de traces.
La tendance à s’isoler
Techniquement, la charge émotive ne disparaît jamais. Elle se refoule, se nie, est jugée « trop intense », se dissimule derrière des rires nerveux, se tapit dans l’ombre et surgit comme un diablotin à ressort au moment où on si attend le moins, parfois même des années après. C’est comme demander à un volcan en éruption de ravaler tranquillement sa lave et de se transformer en montagne à vache, verdoyante et calme.
Avez-vous remarqué combien nous respirons profondément quand l’émotion est intense, combien l’air cherche à se frayer un chemin le plus loin possible, comme notre peau change de couleur, notre visage se modèle au gré des ressentis, nous devenons tantôt lourd, tantôt léger? Notre corps devient intensément vivant quand nous exprimons nos émotions librement. Nous nous allégeons d’un fardeau et nous donnons de l’importance au vécu émotionnel, affectif, au bagage du cœur.
Ce dont je me rends compte, c’est que nous nous isolons pour ne pas souffrir. Nous sommes réunis pour nous recueillir, autour d’un repas, lors de cérémonies diverses selon notre culte, et pourtant nous sommes seuls, dans une prison de peine, ou parfois de colère, dans laquelle nous nous sommes enfermés, par nous-mêmes. Par pudeur, quand les larmes montent aux yeux, on se détourne, on parle de la pluie et du beau temps. Le silence plane, entraînant avec lui son sillage de non-dits, de non-vécus. Ce qui est profondément dommage dans l’isolement, c’est que nous nous coupons alors d’une nourriture affective qui pourrait apaiser notre chagrin et nous rapprocher de notre entourage pour trouver du soutien.
Ce qui fait du bien
Et pourtant, c’est tellement bon de pleurer ensemble, de se rappeler ensemble, de célébrer ensemble tous les moments qui ont été vécus avec le défunt.
– Aller dans le logement de la personne décédée, redécouvrir son univers, s’imprégner des odeurs, s’émouvoir devant des photos et s’émerveiller à la lecture d’une lettre retrouvée au creux d’un livre.
– Prolonger le lien en gardant un objet symbolique et représentatif de la personne, que nous pourrons regarder et saluer quand le besoin se fait sentir.
– Pleurer aux funérailles, s’épauler, se serrer dans les bras, se dire combien on l’aimait, combien on l’aime encore, combien l’absence physique est cruelle, se rapprocher des vivants qui nous entourent.
– Se souvenir d’anecdotes, du son de la voix, d’un rire, du regard, du grain de la peau, garder précieusement des petits bouts de vie partagés, se nourrir de l’amour qui en émanait pour continuer à le faire grandir et le transmettre.
– Être reconnaissant d’avoir côtoyé le défunt, le remercier pour ce qu’il nous a apporté, saisir son héritage relationnel, comprendre l’impact qu’il a eu en nous, le laisser vivre à travers nous, faire une place à la sérénité peu à peu. De préférence, vivre le tout en relation, bien entouré de personnes de confiance, pour recevoir tout l’amour, tout le réconfort dont nous avons tant besoin.
– Chercher de l’aide auprès d’organismes spécialisées dans le deuil.
– Rester plus que jamais à l’écoute de ce qui nous ferait du bien, de ce qui pourrait nous apaiser, nous apporter du soulagement, au quotidien.
Le deuil, un souffle de vie
Faire son deuil, vivre ce qui est à vivre par la douleur de la perte, c’est se donner de l’amour. C’est accueillir la douceur dans un espace profondément souffrant, donner un souffle de vie là où la mort est passée. S’il est souvent associé à la spiritualité, à la religion, à la culture, à l’invisible, à l’indicible, le deuil est avant tout une blessure relationnelle, un cheminement humain, qu’il soit lié à la mort d’une personne ou d’un animal. Il touche l’être entier, sa plus grande vulnérabilité, son fil de vie. Et il prend plus ou moins de temps, selon la force du lien qui existait avec le défunt, selon aussi la qualité de la relation, selon ce qui a été vécu ou non.
Depuis que j’ai appris son décès, j’ai pleuré, j’ai eu mal, j’ai blâmé la vie d’être si cruelle, j’ai pensé, je me suis isolée. Puis j’ai embrassé, enlacé, exprimé, partagé, soutenu, remercié, aimé… J’ai survécu à la douleur physique et émotionnelle. Je peux à présent poursuivre mon voyage de deuil, accompagnée de celle que j’ai perdue : elle fait désormais partie de moi, en laissant une trace éternelle que je tiens comme un témoin, pour la transmettre et laisser la vie suivre son cours…
Et vous, comment vous faites vous du bien pour vivre une perte, un deuil?
Pour trouver du support
La Maison Monbourquette
1-888-LE DEUIL (533-3845)
Fédération des coopératives funéraires du Québec
1-866-895-7186 (de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi)
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C.P. 190, succ. Place d’Armes
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