Bute vs Pascal: le verdict
Bon ça fait un bail qu’on l’attendait ce fameux duel. À quelques jours du combat Bute-Pascal qui aura lieu le 18 janvier prochain au centre Bell, plusieurs experts se sont avancés pour dire que ce sera fort probablement le plus prestigieux combat de boxe à avoir lieu en sol canadien depuis le 20 juin 1980, alors que Roberto Duran remporta le titre de champion du monde des poids mi-moyens WBC (World Boxing Concil) et The Ring par décision unanime contre Sugar Ray Leonard au stade Olympique.
Bute vs. Pascal : un « choc du siècle» à sens unique
Un combat à sens unique bien en -deçà des attentes
Je n’aime pas parler en mal ou critiquer les gens, surtout ceux qui sont considérés comme de bonnes personnes. Je considère que Lucian Bute fait partie de cette catégorie. Il a une bonne âme, une belle personnalité et à l’écouter qu’une seule fois en entrevue, on a aucune difficulté à comprendre pourquoi le peuple québécois est tombé en amour avec lui (en plus, il maîtrise le français comme deuxième langue bien avant l’anglais : un méchant bonus ici au Québec). Toutefois, mon travail ne consiste malheureusement pas à analyser l’homme, mais bien l’athlète (boxeur), et force est d’admettre qu’à la lumière de ses dernières performances, Bute ne semble plus être l’ombre du boxeur qu’il fut jadis. Samedi soir dernier lors du gala de boxe très attendu où il était la tête d’affiche avec son rival Jean Pascal, Bute n’avait tout simplement pas l’œil du tigre et c’est à se demander s’il était visiblement là lors du combat. Tout au long du combat, Bute était tout simplement amorphe. Le seul qui semblait sentir pleinement l’urgence de la situation au fur-et-à-mesure que les rounds passaient et que le temps s’égrainait, était l’entraîneur de Bute; Stephan Larouche, qui a tenté par tous les moyens possible de sortir son poulain de sa torpeur. Malheureusement pour Larouche, Bute n’a jamais répondu à l’appel. Résultat net : Bute n’a pratiquement rien lancé et le peu de coups qu’il a lancé n’aurait même pas su ébranler ma nièce de 6 ans. Malheureusement pour les fans, le combat principal ne s’est pas montré à la hauteur des attentes et le seul choc auquel nous avons eu droit a été la domination totale de Jean Pascal. En se montrant trop prudent, voire craintif durant la quasi-totalité du combat contre son rival, Bute a démontré qu’il était visiblement toujours psychologiquement affecté par le KO qu’il a subi aux mains de Froch. C’est sans doutes le côté néfaste d’être invaincu pendant si longtemps et de sortir de la majorité de ses combats pratiquement indemne ; lorsqu’on en mange une bonne pour la première fois après avoir boxé pendant des années comme professionnel sans jamais s’être véritablement fait frapper, remonter la pente s’avère beaucoup plus difficile mentalement en fin de carrière qu’au tout début. On peut facilement blâmer un KO subi en début de carrière sur le manque d’expérience et le manque d’atouts techniques, mais à 32 ans alors qu’on a passé son apogée, c’est une toute autre histoire.
Aldrade a semé le doute bien avant Froch
Bien honnêtement, j’ai beaucoup de difficulté à concevoir comment Bute pourrait possiblement se remettre de cette autre défaite humiliante, une défaite précédée d’une victoire peu convaincante contre Denis Gratchev, et une victoire peu convaincante qui fut à son tour précédée par un cuisant revers signé Carl Froch, un revers qui a signé par le fait même la descente aux enfers de Lucian Bute. Les pires détracteurs iront même jusqu’à dire que Bute n’avait jamais vraiment été testé avant Froch, et que sa défaite n’a fait que révélé le vrai Bute, c’est-à-dire un boxeur fragile et surévalué. Toutefois, bien avant Froch, un dénommé Librado Andrade avait réussi a semé un sérieux doute dans l’esprit des gens, experts et amateurs compris, quant à la réputation et la valeur marchande de Bute. Lors de leur affrontement, Andrade avait réussi à sonner les cloches de Lucian Bute dans les derniers instants du 12e et dernier round lors de leur premier affrontement au centre Bell de Montréal, le 24 octobre 2008. Andrade, qui était de loin le négligé des deux, avait réussi à envoyer Bute au tapis dans les tous derniers instants du 12e et dernier round de l’engagement. N’eut été d’une décision bizarre de l’arbitre Marlon B. Wright d’interrompre le compte pour avertir Andrade de retourner dans son coin, Andrade se serait peut-être sauver avec la victoire….ainsi qu’avec le titre de champion IBF des poids moyens détenu à l’époque par Bute. Bute a réussi néanmoins à se relever avant la fin du compte interrompu de 10, mais il était complètement exténué, il avait les genoux en caoutchouc, le regard vitreux et hagard, et semblait vraisemblablement ébranlé. Si le knockdown d’Andrade était survenu un round plus tôt et non à la toute fin du combat, je ne suis pas certain que l’arbitre l’aurait laissé poursuivre. D’autres arbitres ont d’ailleurs déjà arrêté des combats pour moins que cela dans le passée et rappelons-le, Bute ne pouvait être sauvé par la cloche lors de ce combat. Une victoire controversée qui a peut-être servie de préambule à la situation actuelle dans laquelle se retrouve le pugiliste roumain. Bute avait toutefois réussi à faire taire ses dénigreurs quelques mois plus tard en passant le KO à Andrade au 4e round au colisée Pepsi à Québec. Jusque-là, tout semblait être rentré dans l’ordre.
Froch le prophète de malheur et la descente aux enfers de Bute
Appuyons maintenant sur le bouton fast forward jusqu’en mai 2012, soit à quelques jours du combat Bute-Froch qui avait lieu en Angleterre. Froch, qui ne devait être qu’une formalité aux yeux de plusieurs partisans québécois, avait affirmé publiquement que Bute n’était rien de plus qu’un boxeur surévalué et plusieurs fans de Bute espéraient, ou plutôt, s’attendaient à ce que le boxeur québécois d’origine roumaine lui fasse ravaler ses paroles. Et bien Froch s’est avéré être prophète de malheur le soir de leur affrontement en forçant l’arbitre à mettre fin aux émissions alors qu’il avait lancé une pluie de coups percutants à un Bute qui est sorti du ring complètement sonné et perdu. Depuis qu’il a ravi titre à Bute, Carl Froch semble pratiquement invincible; ayant même réussi à vaincre le très talentueux et redoutable Danois Mikkel Kessler en mai dernier lors de leur combat revanche.
Et Pascal dans tout ça?
Qu’on l’aime ou non, Pascal a livré toute une performance en plus d’avoir donné toute une leçon de boxe à son rival. C’est à se demander si Bute a réussi à le toucher durant le combat. J’ai regardé certaines vidéos de Pascal durant son camp d’entraînement, et son sparring partner avait plus de facilité à l’atteindre que Bute. Jean Pascal a été tout simplement plus intelligent, plus rapide, plus fort, plus opportuniste et même plus téméraire; bref, toutes des qualités qui faisaient visiblement défaut chez Bute. Pascal a été plus intelligent en employant la contre-attaque (qui est normalement le propre de Bute) plutôt que l’agression, une tactique que personne, tout expert confondu, n’avait prévu. Il était plus rapide que Bute, car il arrivait constamment à surprendre son rival sans que ce dernier puisse riposter. Il était plus fort, car il boxait dans sa catégorie de poids naturel (175lbs) contrairement à Bute qui boxe normalement chez les 168 livres. Pascal a été plus opportuniste, car presqu’à chaque fois qu’il se lançait en contre-attaque, il semblait faire mouche. Enfin, il a été plus téméraire que Bute pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus et pour avoir joué à l’appât dans les 2 derniers rounds du combat. L’idée derrière cette tactique était de forcer Bute à ouvrir le jeu et à provoquer ainsi une ouverture dans le but de lui passer le KO, ce qui n’a malheureusement pas fonctionné (il s’agit d’ailleurs ici de l’unique chose qui n’a pas fonctionné dans le plan de match de Pascal).
Retour à la case départ ou le repos du guerrier ?
Le processus de reconstruction au niveau mental est très long et il n’y jamais de garantie que l’on arrivera au résultat escompté. Il en reste néanmoins que Bute n’a tout simplement plus le feu sacré pour rivaliser avec les têtes d’affiche de la boxe professionnelle. Si Bute désire continuer à boxer, il devra retourner à la case départ et rebâtir sa confiance, quitte à faire quelques ajouts et/ou changements dans son entourage et/ou à affronter quelques jambons afin de lui redonner ce sourire qui a ravi tant de fois le cœur du peuple québécois alors qu’il régnait à titre de champion; un sourire qu’on ne voit plus depuis quelques temps déjà. Et si Bute décide de quitter, il aura néanmoins connu un beau parcours, empocher des millions de dollars (dont 2 garantis pour le combat Pascal-Bute), et il aura su donner au peuple québécois plusieurs bons souvenirs dont il peut être fier. Quoiqu’il en soit, Bute à une longue période de réflexion devant lui qui l’attend. Toute bonne chose à une fin, et dans le cas de Bute, il s’agira de déterminer si le combat de samedi signifie pour lui un retour aux sources ou le repos éternel du guerrier. À suivre…