loi 128 - pitbull chiot

Projet de Loi 128 : Le Québec Régresse

Je n’ai pas encore digéré le fameux projet de loi 128 que le gouvernement Couillard a déposé dernièrement...

Jeudi le 13 avril, le gouvernement Couillard, représenté par le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux, a présenté son projet de loi 128 tant entendu concernant les chiens dangereux. Sans surprise, le sort des chiens de type pitbull était à l’ordre du jour et sans surprise, les chiens de type pitbull seront désormais interdits sur l’ensemble du territoire du Québec. Pas étonné, mais déçu.

La loi 128: un pas en arrière

Pendant que plusieurs états américains tels que le Dakota du Nord songent à suivre dans les traces de sa voisine du sud en levant l’interdiction qu’elle avait imposée envers les chiens de type pitbull, le Québec a décidé de faire un «copier/coller» du modèle ontarien, un modèle qui, soit dit en passant, s’est avéré un échec depuis son adoption en 2005.

Le Québec régresse, mais aussi paresse

Bien entendu, il est beaucoup plus simple d’interdire que d’encadrer. On passe la loi 128 et voilà, fin des émissions. « Kin toé, c’est fait. Bon qu’est-ce qu’on mange pour souper?» L’encadrement en contrepartie nécessite des ressources, de l’organisation, du suivi etcetera. Toutefois, l’encadrement, à travers l’effort déployé, démontre une ouverture d’esprit ainsi qu’une volonté progressiste. Si le gouvernement Couillard avait déposé un projet de loi probatoire visant l’encadrement d’une durée, disons, de deux ans, j’aurais été satisfait. Par la suite, le gouvernement Couillard se serait assis avec ses acolytes pour en faire le bilan. Si le bilan avait été positif : «tigidou», on continue comme ça; dans le cas contraire, alors là ils auraient pu déposer le projet de loi 128 qui nous est tombé dessus dernièrementF. Évident, j’aurais été tout aussi déçu, mais j’aurais compris sachant que Couillard & Cie auraient fait un effort honnête afin de donner une chance honnête aux coureurs.

Tyson

loi 128 - pitbull tyson
Tyson

Eh oui, comme vous l’avez sans doute deviné : je suis le fier propriétaire d’un «génétique inconnue» que j’ai nommé Tyson. Il est d’ailleurs mon premier chien. Je l’ai adopté (je déteste utiliser le verbe «acheter») en juin 2015, car après 12 ans de gym, j’en avais marre de la fameuse culture «douchebag» qui a pris une ampleur démesurée durant les dernières années. De plus, je voulais apporter un changement au niveau de mon entraînement. Même si je me suis toujours gardé à l’affût des nouveautés dans le domaine du conditionnement physique, j’en avais tout de même ras-le-bol des poids et haltères. J’ai donc fait un virage spartiate et 100% plein air. Au menu : sprints, jogging, «push-ups» sur des supports à vélos, «dips» sur le bord d’un banc de parc, «pull-ups» et «chin-ups» sur barres fixes dans les parcs etc. Afin de demeurer motivé et surtout afin de me forcer à sortir beau temps, mauvais temps, 365 jours par année, je me suis résolu à adopter un pitbull. Je voulais non seulement un chien énergique, mais un chien puissant, de bonne nature, intelligent, facile à vivre. Tyson répond à tous ces critères et je remercie encore mon ex- de me l’avoir trouvé.

Pression sociale accentuée sur les propriétaires

Avant la tragédie ayant coûté la vie à Christiane Vadnais en juin 2016, il n’était déjà pas évident d’être propriétaire de possédé un pitbull; aujourd’hui, c’est devenu un véritable casse-tête. Une chance que je suis bien dans mon «appart», car je suis très conscient que j’ai désormais plus de chance de gagner à la Lotto que de me trouver un propriétaire compassionné qui :

1) acceptera de loger un locataire propriétaire d’un chien pitbull et deux chats et demie (je nourris un chat errant)

2) qui n’essaiera pas de me «fourvoyer» de tous bords, tous côtés si, et je dis bien si, ce fameux propriétaire compréhensif et à l’âme charitable (car Dieu sait que ça coure les rues de nos jours) devait accepter de m’avoir comme locataire.

Et les ennuis potentiels ne s’arrêtent pas là, oh que non. Le 1er juillet arrive à grands pas chers (ères) lecteurs/lectrices. Si jamais vous deviez vous retrouver avec un voisin désirant vous faire la vie dure, il n’aura qu’à dire «pitbull» en vous pointant du doigt. Il n’aura qu’à dire ce mot et vous serez automatiquement dans l’tort, peu importe la cause. Et si jamais vous deviez vous plaindre au sujet de l’un de vos voisins, il n’aura qu’à répéter le mot magique et votre plainte risque fort bien de passer à travers l’oreille du propriétaire ou du policier, pour lui sortir par l’autre. Qui sait : ça pourrait même se retourner contre vous.

Deux poids, deux morsures

Le cas des chiens de type fait couler beaucoup d’encre. J’œuvre dans le milieu hospitalier, et des gens se pointant à l’urgence avec une jambe (ou une main) ensanglantée, j’en ai vus plus d’un. La plupart du temps, il s’agit d’une morsure de chien (je sais cela car je travaille au kiosque d’information donc je suis souvent la première personne contactée). Depuis la mort de Christiane Vadnais, je me suis permis de demander aux patients si les morsures avaient été causées par des chiens de type pitbull. Zéro. Pas un. Niet. Bizarrement, lorsque je regardais les nouvelles dans la salle d’attente pendant ma pause le lendemain, ou que je lisais les bulletins de l’heure en ligne, aucun de ces cas n’avait fait les manchettes. Toutefois, si un pitbull devait avoir le malheur d’avoir éternué sur un enfant de cinq ans, la Défense nationale en serait avisée et l’bon Justin (Trudeau) en aurait sûrement fait mention sur son compte Twitter. Vraiment «bizarre» ne trouvez-vous pas?

Pauvres «ti-pits»

loi 128 pitbullIl va sans dire que les grands perdants dans cette histoire sont les pitbulls. Tout expert canin qui se respecte vous dira à quel point il est important de socialiser son chien. Le chien est un animal social, le pitbull est un chien, donc il faut socialiser son pitbull. Simple syllogisme aristotélien de base. Mais comment peut-on socialiser adéquatement son pitbull s’il doit être muselé en tout temps? Comment peut-on socialiser adéquatement son chien si les autres chiens, souvent par le biais de leurs maîtres, développent une crainte à l’idée de s’approcher d’un chien qui ressemble à Hannibal Lecter? Pour ma part, Tyson s’est fait attaquer à plus d’une reprise depuis l’adoption de la LSR (Législation Spécifique des Races) sur l’ensemble de l’île de Montréal. Certains le mordent, car ils y voient une vulnérabilité à exploiter, tandis que d’autres l’attaquent car ils sont tout simplement effrayés par cet objet inconnu couvrant sa gueule. La peur de la muselière est telle qu’il y a même un chien qui attaque Tyson uniquement lorsqu’il la porte. Toutefois, j’ai fait un test et je lui ai retiré sa muselière…et les deux ont immédiatement commencé à jouer ensemble. Bref, ils s’entendaient comme larrons en foire. Mais une fois la muselière remise… Ce que je vis n’est toutefois pas un cas isolé, loin de là. J’échange régulièrement avec divers propriétaires de pitbulls sur certains forums en ligne et depuis que Montréal est devenue anti-pitbull, plusieurs m’ont partagé leur crainte à l’idée de se présenter aux divers parcs canins avec leurs «pitous». Ces propriétaires se sentent notamment ciblés, stigmatisés et marginalisés. Leurs chiens se font également attaquer et certains en récoltent même les réprimandes des propriétaires de chiens fautifs! Incapables de s’exprimer pleinement, certains pitbulls ont d’ailleurs développé de nouveaux comportements afin de palier à leur nouvel handicap. Il en est de même pour Tyson. Avant l’adoption de LSR à Montréal, Tyson ne jappait pratiquement jamais et jamais il ne «montait» les autres chiens. C’est une toute autre histoire aujourd’hui. J’ai essayé un nouveau parc canin à Lasalle il y a deux semaines, et les propriétaires présents ont immédiatement quitté les lieux avec leurs chiens à notre arrivée. Par défaut, nous avons quitté le parc également faute de chiens. Pour toutes ces raisons, plusieurs propriétaires de pitbulls se sont résolus à ne plus fréquenter les parcs canins, ce qui est évidemment très mauvais pour le comportement futur de leurs chiens. C’est justement en ne le socialisant pas qu’un chien risque de devenir craintif, réactionnaire et agressif. Ironique certes, mais planifié de la part de nos dirigeants.

Calgary

Bill Bruce, ancien directeur des services animaliers de la ville de Calgary et membre de la «National Canine Research Council», ne croit pas à l’efficacité de la LSR. «Ce qui me perturbe le plus, c’est qu’aucune ville ayant adopté la LSR n’a réussi à réduire le nombre totale de morsures dans sa communauté». Monsieur Bruce a plutôt choisi une approche différente. Cette nouvelle approche est très simple: enregistrer, micropucer, stériliser et dresser. Simple n’est-ce pas? Et tant et aussi longtemps que vous respectez ces règles, vous pouvez posséder autant de chiens que vous le désirez. Mais attention: n’allez surtout pas penser que Calgary est systématiquement devenue le El Dorado canin. Dérogez à ces règles et l ‘amende pourrait être très salée. Sans vous bombarder de statistiques (je vous suggère toutefois de lire l’excellent article de René Bruemmer intitulé « How Calgary reduced dogs attacks without banning pit bulls»), le volte-face que Calgary a fait au cours des dernières années a porté fruit. En misant sur la conscientisation sociale, en ciblant prioritairement les propriétaires, et en instaurant des plans de récompense allouant divers rabais en magasin aux propriétaires de chiens enregistrés (eh oui, même chez Ikea!), Calgary a vu son nombre de morsures réduire considérablement.

La protection sociale

Le mot d’ordre du gouvernement du Québec lors de l’adoption de la loi 128 était de miser, valoriser et mettre la protection du citoyen en premier plan. À cela, je me pose les questions suivantes : si tel est le cas, pourquoi d’autres villes ayant banni les chiens de type pitbull sur leurs territoires songent soudainement à vouloir revenir sur leur décision? Pourquoi est-ce que le Québec s’entête coûte que coûte à copier un plan d’action voué à l’échec, alors que nos voisins albertains, contrairement à l’Ontario, ont réussi avec brio à adopter des mesures d’encadrement visant le maître et non la bête?

Achetez la paix et soyez préparés

On ne se le cachera pas chers, mais fiers, propriétaires de chiens de type pitbull : nous marchons sur des œufs plus que jamais. Un petit conseil d’ami, accumulez-vous dès maintenant des «Air Loose» avec votre entourage. Achetez la paix avec vos voisins. Soyez des locataires exemplaires. Lorsqu’il tombe du verglas, c’est moi le premier à sortir avec un marteau et un tournevis pour casser la glace dans les marches d’escalier. Lorsqu’il neige, je suis le premier sorti pour pelleter l’entrée commune. Oui, j’achète la paix, mais je ne suis pas con : je prends des photos à chaque fois. De cette manière, j’ai des preuves à l’appui si un voisin de mauvaise foi devait m’embêter. Je ne suis pas rendu à ce point, mais je connais certains proprios de pitbulls qui ont installé des caméras. Sur l’un de mes ordinateurs portables, j’ai la fonction «enregistrement sonore» que j’utilise à chaque fois que je quitte pour une durée prolongée. Et lorsque je quitte, je m’assure d’avoir brûlé Tyson avec au moins 10 kilomètres de course ou 2 heures au parc à jouer avec ses amis canins. Une fois rentrée, je le mets immédiatement au lit, je sors ses jouets, son «kong» remplis de gâteries ainsi qu’un os de bœuf ou de porc à gruger (achet chez le coucher du coin) pendant mon absence. Je m’assure que mes couvertures aient mon odeur corporel et j’allume la radio (AM de préférence, plus de blabla) que je me sers comme bruit de fond.

Conclusion sur la loi 128

Pour clore cet article, je désirerais faire les suggestions suivantes aux chers dirigeants de notre belle province : vous voulez réellement protéger les citoyens? Commencez donc par réparer nos routes une fois pour toute. Vous voulez vraiment notre intérêt à cœur? Cessez donc de vous donner des augmentations de salaire et injectez donc plutôt cet argent dans les ressources communautaires qui en ont clairement de besoin plus que vous. Et en ce qui nous concerne plus spécifiquement, fiers propriétaires de pitbulls, arrêtez donc de vous fier sur votre «comité de travail» tiré tout droit d’une boîte de céréales, et passez donc un coup de fil à Bill Bruce ou tout autre expert canin qualifié et chevronné. Faites donc ça plutôt d’ignorer délibérément leurs opinions professionnelles. Faites vos devoirs et mettez votre égo de côté plutôt que d’agir de façon absolutiste et réactionnaire. Donnez-nous, ainsi qu’à nos amis à quatre pattes, une chance honnête de vous prouver qu’un pitbull entre de bonnes mains ne représente aucunement une menace pour la société. Si ça ne fonctionne pas alors là, vous pourrez passer la loi que vous voudrez.