musulmans québécois

Les musulmans du Québec

Londres, ainsi que le reste du monde, est présentement en deuil suite à l’attentat terroriste qui a fait 3 morts et plus d’une quarantaine de blessé. L’auteur de l’attentat Khalid Masood, 52 ans, a également perdu la vie lors de cette tragédie. Dans cet article, je ne reviendrai pas directement sur cette tragédie, dont vous en avez sans doute entendu parler en détail à maintes reprises. Je ferai plutôt un parallèle : au lieu de vous parler d’une poignée de «gros méchants terroristes radicaux» voulant tout faire sauter, je présenterai plutôt la communauté musulmane dans son ensemble. J’espère ainsi que vous aurez, chers (ères) lecteurs et lectrices, une perspective nouvelle sur la communauté musulmane suite à cette lecture, car que vous le vouliez ou non, ils font désormais bel et bien partie intégrante de la société québécoise.

«Encore eux-autres »

Eh oui, une autre attaque terroriste revendiquée par l’État Islamique. «Encore eux-autres» diront certains à voix haute; « Encore eux-autres» penseront plusieurs tout bas. Je ne vous raconterai pas d’histoires: moi aussi j’en ai ras-le-bol de l’État islamique et de ces maudites attaques terroristes. Mais devinez quoi: mes amis musulmans du Québec eux aussi en ont ras-le-bol. Ils en ont ras-le-bol de voir des innocents mourir pour une cause qu’ils considèrent déshonorable, ils en ont ras-le-bol d’être fouillés et questionnés comme s’ils étaient tous des bandits à chaque fois qu’ils voyagent, ils en ont ras-le-bol que leurs enfants se fassent intimidés à l’école par des fils et filles de «bougons» sans éducation, ils en ont ras-le-bol de devoir justifier leur style de vie ainsi que leurs convictions religieuses, bref, le bol est plein.

Un Ramadan à saveur catholique

A family breaks the day’s fast with the Iftar meal on the first day of the Muslim fasting month of Ramadan in Paris July 10, 2013. Muslims in France began their observance of this month of abstinence on Wednesday. REUTERS/Youssef Boudlal

Je suis catholique et je me considère pratiquant. Et pourtant, je m’entends parfaitement bien avec toute personne musulmane. Au travail, j’interagis d’ailleurs surtout avec les Algériens. Je m’entends tout simplement bien avec eux, j’aime leur culture, leur politesse et courtoisie (un art qui se perd ici au Québec). À chaque année, les musulmans du Québec et d’ailleurs célèbrent le Ramadan, une période de jeûne d’une durée d’environ un mois. Ce jeûne représente une période de purification du corps, mais surtout de l’âme. En partant, un musulman pratiquant n’a déjà pas droit de boire, fumer, ou de prendre des drogues. Pendant le Ramadan, ces vertus sont non seulement maintenues, mais il faut aussi pratiquer l’abstinence sexuelle et travailler sur ses défauts. À moins d’être trop jeunes, trop âgés, ou maladifs, tous et toutes doivent pratiquer le Ramadan. Grosso modo, aucune consommation de liquide ou de nourriture n’est permise du lever au coucher du soleil. Et gardez en tête que le Ramadan peut bel et bien avoir lieu au mois de juillet ou au mois d’août, soit en pleine période de canicule. Souvenez-vous de ça la prochaine fois que vous aurez soif. Mais ce n’est pas tout: les musulmans pratiquant le Ramadan doivent tout de même aller au travail ou à l’université, tout comme le reste de la société. Imaginez-vous passer votre deuxième examen final de la journée vers 18h00 avec rien dans le corps depuis 5h30 du matin. Pas évident disons. Une fois le soleil couché, une razza est au rendez-vous. Les musulmans se recueillent ensemble et chacun d’entre eux apporte un plat typique de son pays respectif. Je travaille de soir et j’adore personnellement la période du Ramadan, car je soupe à deux reprises pendant un mois; la première fois vers 18h00 et la seconde vers 21h00. Bien que mes collègues de travail algériens soient au courant de mes convictions religieuses chrétiennes, je suis toujours invité et toujours le bienvenu. Et je ne peux quitter la table que si je jure au nom de Dieu d’être «plein à craquer» et croyez-moi, ils vous rempliront l’assiette plus rapidement que vous aurez le temps de la finir. Une fois le ventre bien plein et la ceinture enlevée, le «banquet» se termine avec quelques sucreries, dont les fameuses «dziriates» (pâtisseries à base de semoule de blé, d’amandes, et de miel) dont je raffole. Lorsqu’ils se commandent à manger, les Algériens «se battent» (chicanent amicalement) entre eux afin de déterminer qui payera la note. Et à des fins de clarification: ils ne se disputent pas entre eux pour faire payer la note à l’autre; ils se battent entre eux pour payer la note de l’autre (bref, une autre raison pour laquelle j’adore manger avec eux). Une fois rassasiés, ils vont se coucher. Certains se lèveront juste avant le lever du soleil afin de faire «le plein» pour la journée. Une fois le soleil levé, c’est reparti pour un jeûne de prêt de 15 heures, parfois plus tout dépendant du pays où ils se trouvent et du moment de l’année où le Ramadan à lieu. J’ai particulièrement beaucoup d’admiration (et à la fois de la pitié), pour les musulmans vivant en Scandinavie et pratiquant le Ramadan en plein été. Une fois le mois de Ramadan terminé, les musulmans fêtent l’Aïd, célébration festive marquant la fin du mois de jeûne. Des dons d’argent sont faits aux musulmans dans le besoin afin qu’ils puissent également célébrer l’Aïd. Par exemple, un musulman issu d’une famille aisée de cinq, devrait faire cinq dons. Fait à noter, les musulmans font ces dons en plus de la zakat personnelle, où les musulmans pratiquants doivent donner une somme équivalent à 2% de leurs gains financiers annuels aux plus démunis.

Les terroristes ont toujours beau jeu

La très grande majorité des musulmans du Québec, des vrais musulmans, sont pacifistes et les gens pacifistes cherchent et trouvent naturellement un équilibre avec autrui, ainsi qu’avec leur environnement. Les vrais musulmans sont de bonne foi, et les gens de bonne foi recherchent le bonheur et une fois trouvé, ils ne demandent pas mieux qu’à le garder, rien de plus, rien de moins. Les gens pacifistes et de bonne foi aiment vivre et surtout, laisser vivre. Les terroristes, quant à eux, sont des gens haineux et de surcroît, ils instiguent, provoquent et cherchent à détruire et à déstabiliser. Les revendications s’ensuivent peu après. Et parce qu’ils sont mécontents, ils sont par défaut proactifs. Vous vous souvenez des fameuses mutineries sur les bateaux lors de l’époque de la Renaissance? Eh bien les mutineries n’auraient jamais existé sans son lot préalable d’insatisfaction et de mécontentement. À moins de manquer nettement de subtilité et de discrétion, l’avantage va presque toujours à l’instigateur, car ce dernier bénéficie de l’élément de surprise alors que le capitaine, à moins d’être averti à l’avance par l’un de ses sbires, ne voit tout simplement pas le coup venir. L’instigateur a donc l’avantage de la ruse et de la sournoiserie, de la planification, de la préparation et de l’organisation, tandis que le parti opposé est forcé de composé à l’improvise avec ce qu’il a en main, et très souvent, le parti en question n’est tout simplement pas prêt à composer à la toute dernière minute avec un telle situation, faute d’effectifs, de préparation, et d’organisation.

Contrôle de l’information arbitraire

Il faut se souvenir de quelques points très importants concernant les médias. Les mauvaises nouvelles, c’est-à-dire les drames, les tragédies, les meurtres, les viols, les catastrophes naturelles etcetera constituent les seules nouvelles faisant véritablement couler de l’encre. À moins d’une percée historique dans le domaine des sciences ou tout autre fait inusité, les bonnes nouvelles ne vendent pas, du moins, jamais autant que les mauvaises nouvelles. Imaginez-vous un instant allumer la télé pour écouter aux nouvelles de 18h00 : « Alors aujourd’hui dans l’monde, rien de spécial; tout est sous contrôle, tout l’monde va bien. Aucun incident. Relaxe Max, cool Raoul…alors voilà. Bonne soirée». Lors de mes cours de communication en 2002, notre professeur de l’époque, Monsieur «Génération W» nous avait mentionné que très peu de compagnies possèdent le monopole de l’information. Prenons Québecor par exemple. Il possède à la fois TVA, sa petite soeur LCN, Canoe.ca, le Journal de Montréal, de Québec, le journal 24H et une multitude d’autres, dont une panoplie de journaux anglophones distribués à travers le pays. Vous remarquerez donc que d’un média à un autre, le contenu est sensiblement le même. Le contenant aussi d’ailleurs. Difficile donc d’avoir une autre perspective objective et détachée lorsque l’information qui nous est suggérée (imposée) est monopolisée. Et plus que jamais, les informations à saveur sensationnaliste sont privilégiées; c’est-à-dire «sang», «sexe», «sport» et un paquet de cas isolés qu’on nous présente en première page comme généralités et-ou comme fait important. «Loto-Québec refuse de lui verser la somme qu’elle a gagnée»… Hé, mais on s’en fout royalement.

«Je suis Charlie»

Alors que le monde pleurait les attentats de Paris ayant fait 17 morts et 18 blessés, Boko Haram détruisait 16 villages nigériens, faisant plus de 2000 (deux m-i-l-l-e-s morts. Très peu de couverture médiatique n’a été faite lors de cette tragédie en comparaison à celle allouée lors des attentats de Paris. Le monde entier scandait « Je suis Charlie», mais personne ne scandait «Je suis Nigéria». Après deux ans, j’ai toujours de la difficulté à comprendre l’empathie et la solidarité subjectives que les gens éprouvent face à une tragédie quelconque. Oui bon d’accord, nous avons un lien culturel et historique avec la France. Et puis après? Parce que le Nigéria est plus loin et plus difficile à trouver sur un globe-terrestre, l’indifférence devient soudainement acceptable? Une vie nigérienne ne vaut-elle pas autant qu’une vie française?

1, 5 milliard

Suite à un incident tragique, surtout lorsqu’il est question d’attaques terroristes, le même thème ressort toujours: prêcher la tolérance. Mais voyez-vous, même le plus grand des imbéciles peut faire preuve de tolérance. Donc, j’aimerais substituer le mot «tolérance» et le remplacer par «intelligence». On compte environ 1, 5 milliard de musulmans à travers le monde; ce qui veut dire que moins d’une personne sur cinq est musulmane. Si chacun d’entre eux était de mauvaise foi, si chacun d’entre eux était un(e) terroriste, et bien il y aura des attentats quotidiennement un peu partout à travers la Planète. Le fait est que la communauté musulmane vit présentement la bien triste réalité que nous avons tous et chacun vécue à un certain point dans notre vie : la majorité paie pour la minorité.

En Conclusion – Soyez humains

Pour clore cet article, je vous demande ceci : au lieu d’être Charlie, Tintin, et maintenant Harry Potter, soyez donc tout simplement humains. Les médias prêchent par plusieurs maximes peu enviables, l’une d’entre elles étant celle-ci : « Diviser pour mieux régner». En choisissant délibérément de ne parler que des attentats de Paris ou de Londres, et de faire ainsi fi de certains attentats ayant pourtant fait beaucoup plus de victimes, les médias, vous forcent subconsciemment à prendre parti. Subtilement, ils décident pour vous quelles vies valent plus que d’autres. Délicatement et avec finesse, ils vous disent vers qui vous devez vous ranger. Adroitement, ils vous incitent à faire des généralisations et ils vous dictent ainsi qui vous devez supporter, et qui vous devez détester. Tous les musulmans du Québec ou d’ailleurs que j’ai rencontrés jusqu’ici m’ont traité avec le genre de respect que l’on ne doit qu’à son propre père. Ce que vous voyez à la télé ne reflète en rien le quotidien de la vaste majorité de la communauté musulmane. Et surtout, n’oublions- pas la tuerie qui a fait 6 morts dans une mosquée de Québec il y a seulement quelques semaines. Je vous encourage donc à élargir vos horizons et à aller voir par vous-mêmes avant de vous faire une idée xénophobe qui sera difficile par la suite à changer.